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L'éducation Nationale, ce bateau à la dérive

- Artiste : Dominik Mayer -


Ainsi donc, dans son discours du 2 Octobre dernier, Emmanuel Macron a annoncé, comme ça, l'air de rien, au milieu de sa stratégie de "lutte contre le séparatisme islamique", la fin de l'instruction à la maison pour les enfants de 3 ans et plus...  Et avec elle, "le renforcement du contrôle sur les établissements privés hors contrat"...

Sur les réseaux sociaux, dans mon entourage, chacun a pris la nouvelle à sa manière, avec plus ou moins de distance. Pour ma part, plus j'y réfléchissais, plus cette annonce éveillait en moi un sentiment d'incompréhension et de profonde injustice. Indépendamment du fait que pour moi la mesure annoncée "pour combattre l'intégrisme" est simplement hors sujet (c'est comme vouloir combattre des pyromanes en interdisant la vente d'allumettes...), j'ai eu le sentiment qu'on bafouait là mon droit fondamental à éduquer mon enfant comme je le veux. Or, ça commence à faire beaucoup de libertés qu'on nous grignote depuis quelques temps...

J'ai fait l'effort d'écouter le discours du Président dans son intégralité (car j'ai beau vivre en Allemagne, je demeure française et les orientations que prennent mon pays me préoccupent autant que n'importe quel autre citoyen). Si certaines mesures annoncées pour combattre l'intégrisme peuvent paraitre plus ou moins cohérentes, ces mesures-ci concernant l'école obligatoire dès trois ans (et encore, seulement les écoles certifiées conformes aux "valeurs de la république"), me posent un vrai souci. D'ailleurs que sont les "valeurs de la république" ? De quoi parle-t-on au juste ? Est-ce que quelqu'un sur ce navire a une vague idée de où il veut emmener tout le monde ?

 

Le fond du malaise

 

Pour moi, le gouvernement ne se pose pas les bonnes questions et mélange les combats.

Selon les chiffres cités par un rapport de la sénatrice Jacqueline Eustache-Brinio (LR) publié en juillet 2020, le nombre d’enfants instruits à domicile a explosé ces dernières années, passant d’environ 18 000 en 2010 à 36 000 en 2018. Pour avoir une vision plus fine de la situation de ce que j'appelle l'instruction "parallèle" (hors école publique) en France, à ces chiffres il faudrait bien sûr ajouter le nombre d'enfants inscrits en école privée (20% des élèves en France), dont notamment la part des élèves au sein de ces fameuses écoles alternatives "hors contrat" dans le viseur de l'éducation nationale (j'ai lu 73000 élèves mais ces chiffres datent de 2017).
Car la vraie question derrière tout ça, et que le gouvernement semble prendre soin de ne surtout pas se poser, au delà de se demander qui sont ces familles, c'est "Mais qu'est-ce qui les pousse à choisir un mode d'enseignement différent ?". Présupposer que ce choix se réduise simplement à "pouvoir distiller tranquillou des idées intégristes à l'abri des regards" est ridicule, et à la limite de l'offensant pour toutes les familles qui ont fait ce choix.

Si ça peut vous aider, mesdames et messieurs du Gouvernement, je vais vous livrer ici en exclusivité quelques unes des raisons qui poussent les familles à sortir leurs enfants des bancs de l'école publique. Et vous verrez que ça n'a pas beaucoup à voir avec un quelconque désir d'enrôlement fanatique de leur progéniture...


 

Les raisons de la colère

 

Pourquoi le modèle de l'éducation nationale ne me parait pas être une option acceptable aujourd'hui :

  • La première chose qui me vient à l'esprit c'est le non sens général. A l'école, les enfants n'apprennent pas à travailler pour la joie d’apprendre des choses nouvelles mais "pour obtenir de bonnes notes". On leur enseigne comment avaler du contenu (le même contenu pour tous) et comment le recracher parfaitement. Peu importe qu'il n'en reste plus grand chose une fois la note obtenue.
    Et même s'il est vrai que les pédagogies peuvent différer d'un enseignant à un autre, le fait est que les attendus de l'éducation nationale sont les mêmes pour tous les élèves.
  • On y cultive dès le plus jeune âge l’art de la compétition, voire de la stigmatisation ou de l'humiliation de celui qui "ne réussi pas comme les autres", ou qui "n'agit pas comme les autres". Pas forcément consciemment d'ailleurs. On les évalue sans cesse, les uns par rapport aux autres, on les catégorise (et il existe toute une panoplie de petites cases, parmi lesquelles le fléau du "genre" dont je risque de parler également un jour ou l'autre sur ce blog), on leur inculque que s’ils veulent une place dans la société, ils doivent entrer dans le moule de ce qui est attendu d'eux. Peu importe leurs aptitudes, leur rythme individuel, leur degré de maturité ou leurs attentes personnelles.
  • A l'école et partout autour d'eux, on leur apprend (et c'est peut être ça le plus nocif) que le Graal c'est d'obtenir "la meilleure place possible" dans la société, et que ce processus se fait, forcément, au détriment des autres (on ne peut pas tous avoir LA meilleure place). On leur chuchote au gré des évaluations qu'ils subissent dans leur scolarité que pour y arriver, ils doivent être les meilleurs dans toutes les matières. Or, tout le monde ne peut pas être le meilleur en tout. Personne ne peut être le meilleur en tout, c'est une illusion dangereuse. Même en ayant une famille attentive qui vous accompagne dans vos apprentissages, ce qui n'est malheureusement pas le cas pour tous les enfants. L'école engendre ainsi des générations d’enfants frustrés ou mal dans leur représentation d’eux-mêmes. Des enfants qui peuvent, dès le plus jeune âge, se sentir déjà en marge de la société à laquelle ils se destinent (décrochage scolaire etc...)
  • A l'école et dans le monde professionnel par la suite, il y a peu ou pas de place pour l’erreur. Pas plus que pour des valeurs d’entraide, de solidarité ou de bienveillance. Si ces choses là ne s'apprennent pas dans l'enfance, comment voulez-vous qu'elles apparaissent comme par magie à l'age adulte ?
  • Il n'y a pas de place non plus pour la notion de bonheur. On n'enseigne pas aux enfants à trouver LEUR chemin pour être heureux, on leur enseigne à suivre LE chemin officiel qui vaut pour tous. On n'en fait pas des adultes épanouis, on en fait des adultes obéissants. On ne leur apprend ni à avoir confiance en eux, ni aux autres, et donc, fatalement, ils n'ont plus confiance en l'avenir.
 
Cet individualisme, cet esprit de compétition, cette course à devenir "le meilleur", "le premier à avoir eu l'idée", "le seul à posséder"... Ce manque d’empathie pour les autres, le tout couplé à notre désir d'accumuler toujours plus, c’est précisément CE QUI TUE NOTRE MONDE aujourd’hui.
Je ne dis pas que l'éducation nationale est seule responsable de tous les maux, hein... car la réalité est évidemment plus complexe que ça. Mais je dis que l'éducation de nos enfants est un levier PRIMORDIAL à actionner pour créer aujourd'hui le monde meilleur de demain.
 
 
 
L'ardoise est lourde
 
 
J’ai conscience, pour avoir certaines amies dans ce milieu professionnel, qu’il y a quand même des velléités de changement au sein de l'éducation nationale, qu'il existe des approches différentes, des enseignants passionnés, soucieux et respectueux des adultes en devenir dont ils ont la charge. Et je pense sincèrement que la place et la parole de l’enfant dans l’enseignement a changé ces dernières années. Le problème ne vient pas des enseignants, mais vient du système.

L'éducation des enfants est un sujet capital, qui ne concerne pas seulement les parents, mais qui concerne la société toute entière.

La vraie question fondamentale que l'on devrait TOUS se poser et qui devrait servir de leitmotiv pour tout le reste, c'est "Quel monde voulons-nous pour demain ?". Et ainsi en second lieu "Quel modèle de société voulons-nous bâtir pour y parvenir ?".
L’école devrait inspirer les enfants, leur donner non seulement l'envie d'apprendre, d'aller toujours plus loin dans leur quête du savoir, leur donner la confiance d'entreprendre, mais aussi et surtout, leur donner un objectif final de bien commun, la conscience d'apporter sa pièce à l'édifice, dans le respect des autres (et de l'environnement tant qu'à faire). Même si cela signifie que chaque enfant doivent emprunter un chemin différent et finalement ne pas apprendre les mêmes choses au même moment. Le potentiel humain est tellement vaste, pourquoi nous brider ainsi et nous empêcher de l'explorer ? Notre civilisation pourrait aller tellement plus loin si chacun cultivait sa propre spécialité plutôt que de nous évertuer tous à atteindre ce même vernis basique de connaissance commune sur tous les sujets...

Mesdames et Messieurs du Gouvernement, Monsieur le Président de la République, si vous souhaitez réellement insuffler un esprit communautaire, une citoyenneté, redonner une identité française, et plus important que tout : si vous souhaitez insuffler un vrai projet de société, alors vous devez donner la liberté à chacun d'y prendre part à sa manière, à hauteur des prouesses qu'il est capable (et souhaite) apporter.

 

 

 

 

 

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