Allaitement et reprise du travail

Le sujet n'est plus d'actualité pour moi, mais j'avais tellement galéré à savoir comment m'y prendre lorsque j'avais repris le travail que j'ai eu envie de vous partager mon expérience.

Lorsqu'il m'a fallut reprendre le chemin du travail après 6 mois passés avec Numérobis, j'étais pleine d'incertitudes. J'avais envie de continuer à l’allaiter, et je ne savais pas du tout comment je devais m’organiser. J'ai glané plein d'informations un peu partout, éculant les forums et autres groupes de discussion Facebook. Et puis, j'ai fini par me faire ma propre expérience. 
Bien sûr, chacune d'entre nous aura sa propre organisation, mais je pense avoir dégagé certains grands principes que je souhaite vous partager, en espérant que ça puisse en aider quelques unes d'entre vous à mieux appréhender les choses.
 

La reprise du travail génère souvent bien des inquiétudes chez la jeune maman. Et lorsqu'on allaite encore, les questionnements sont décuplés. 

La première et fondamentale question que l'on se pose étant : Comment mon bébé va-t-il parvenir à se nourrir sans moi ? Jusque là, vous étiez peut-être sa seule source d'alimentation. Il est donc légitime de se demander ce qu'il va advenir de votre petit bout une fois séparé de vous. Question à laquelle s'ajoutent en corollaire : Combien de lait dois-je tirer pour la journée ? Du coup, comment suis-je supposer à la fois nourrir au sein mon bébé et mettre suffisamment du lait de côté pour les biberons de la journée ?? Dois-je tirer mon lait au travail ? Mais quand ? Combien de fois ? Comment ? Comment transporter le lait jusqu'à chez moi ? etc... 
Et tout ceci vient indépendamment des problématiques d'acceptation ou non du biberon par bébé...

Le principe de l'allaitement c'est qu'il se fait "à la demande" de bébé, selon ses besoins. Ca peut être à heures fixes pour les plus chanceuses d'entre nous, ou de manière totalement aléatoire. Tant qu'on est à disposition de son bébé, ce n'est pas un souci, on ne se pose même pas de question. Mais lorsqu'il faut s'éloigner pour quelques heures, pour une journée, pour plusieurs jours... comment est-ce qu'on s'en sort ?

Dans un monde idéal, on ne reprendrait pas le travail tant qu'on allaite. Mais voilà, soit qu'on n'en ait pas le choix, soit qu'on souhaite reprendre son travail (car oui, on a le droit de vouloir retourner au boulot hein !), il faut bien parfois conjuguer les deux.

Quelques étapes

1. S'assurer que la nounou/crèche est OK pour donner votre lait.

Evidemment, le point de départ va être le mode de garde que vous aurez choisi. Peut-être ferez-vous partie des très très chanceuses mamans qui ont un système de garde sur leur lieu de travail ou juste à côté et qui peuvent se permettre de s'absenter de leur bureau pour aller allaiter sur leur temps de pause allaitement.

Information :
Article L1225-30 du code du travail français : "Pendant une année à compter du jour de la naissance, la salariée allaitant son enfant dispose à cet effet d'une heure par jour durant les heures de travail."
Article L1225-31 : "La salariée peut allaiter son enfant dans l'établissement."

Dans ce cas là, l'organisation sera un peu sportive mais vous aurez moins de logistique à gérer.

Si vous n'êtes pas dans cette situation, la première chose à faire est déjà de vous assurer que votre nounou ou votre crèche est d'accord pour donner votre lait tiré. Si ce n'est pas le cas, ça va être compliqué... mais ça n'en sera pas non plus fini de l'allaitement pour autant ! Il est possible de faire du mixte : moitié lait maternel lorsque vous êtes avec bébé, moitié lait en poudre lorsqu'il est gardé, voire même, remplacer votre tétée plutôt par un ou deux yaourts bébé. Tout dépend évidemment de l'âge de bébé au moment de votre reprise et de sa diversification alimentaire à ce moment là. Le tout étant, si vous souhaitez malgré tout continuer à allaiter, de continuer à tirer votre lait en parallèle à un rythme de tétées pour entretenir la lactation. 
 

2. Avoir le bon matériel

Pour vous permettre de tirer votre lait, il vous faudra, *roulement de tambour*... un tire-lait ! 

Il en existe de toutes sortes et de toutes tailles, électriques ou manuels, à chacune sa préférence, il n'y a aucun dogme là-dessus. Pour avoir lu des retours d'expérience de plusieurs mamans, ce qui est utilisé le plus souvent c'est un tire-lait double pour pouvoir tirer les deux seins en même temps.
Si vous ne souhaitez pas vider les deux seins (par exemple, parce que vous voulez garder de quoi faire une tétée pour bébé de l'autre côté), ce qui fonctionne bien c'est un tire-lait "passif" d'un côté : c'est à dire un tire-lait qui va recueillir le lait qui sort naturellement d'un sein lorsque bébé tête de l'autre, sans stimuler la lactation. Il est même possible de faire les deux d'ailleurs : bébé à un sein et le tire-lait de l'autre.

Généralement, lorsque vous quittez la maternité, on vous remet une ordonnance pour pouvoir emprunter votre tire-lait. Vous serez guidée pour choisir la bonne taille de ventouse, adaptée à votre mamelon. A vous de voir ce qui vous convient le mieux. Il n'y a pas de miracle, c'est en essayant qu'on se rend compte de ce qui convient ou pas. Sachez que vous pourrez changer de modèle en cours de route si besoin.
 

3. Conditions d'hygiène

Il faudra alors vous renseigner sur les règles établies par la nounou ou la crèche en matière de conservation et transport du lait. Les crèches ont en général leur propre fonctionnement que vous devrez respecter, même si parfois elles sont un peu maximaliste. Dans la crèche de mon petit deuxième par exemple, le lait, même frais du matin, était systématiquement jeté à chaque fin de journée... c'était hyper frustrant.
S'il n'y a pas de règle prédéfinie auprès de la nounou/crèche, on part du principe qu'on respecte toujours à minima la règle du 2, 4, 6 :

• 2 heures à température ambiante (19 à 22°)
• 4 jours au réfrigérateur (0 à 4°)
• 6 mois dans un congélateur séparé (-18°)

Ces règles sont cumulables. On peut avoir tiré son lait et l'avoir gardé à température ambiante durant une heure*, puis l'avoir mis au frigo 3 jours, puis congelé pour 6 mois.
Une fois décongelé, le lait réchauffé non bu doit être jeté dans l'heure.

Important : si vous mélangez du lait qui a été décongelé à du lait frais (pour compléter un biberon par exemple), et même si c'est une toute petite quantité de lait décongelé, c'est toujours la règle du lait décongelé qui s'applique : vous ne pourrez pas remettre le lait au frais pendant 4 jours et encore moins le recongeler ensuite, il faudra le consommer dans l'heure !

La Leche League donne même des règles plus étendues. Je vous invite à aller sur leur site pour trouver toutes les informations nécessaires, régulièrement mises à jour. 

4. Stocker le lait

Une fois tiré, l'idéal est de mettre votre lait tout de suite au frais. Si vous savez que vous n'allez pas l'utiliser dans les 4 jours, mieux vaut le congeler rapidement.

Les bonnes astuces si vous congelez votre lait :

• Préparez des petits sachets de congélation de différentes tailles de contenu : 30 ML, 40ML, 50ML. Il vaut mieux éviter au début de prévoir des trop grosses quantités, privilégiez plutôt plusieurs petits sachets à décongeler au fur et à mesure de la journée et selon l'appétit de bébé, plutôt que de risquer de décongeler un gros 150ML d'un coup et que bébé ne boive pas tout. Le lait de maman est si précieux, ce serait dommage de le perdre. 
• Pensez à bien noter sur le sachet : la quantité et la date à laquelle le lait a été tiré. Les crèches aiment bien aussi qu'on note tout de suite le nom de l'enfant sur le sachet pour éviter les mélanges.

5. Pour réchauffer le lait

Pour donner à bébé du lait congelé : mieux vaut le laisser décongeler doucement toute la nuit au réfrigérateur. Il pourra ensuite être chauffé plus facilement et uniformément au bain-marie. 

Dans tous les cas, chaque professionnelle en charge de votre bébé saura comment chauffer au mieux le biberon et veiller à sa bonne température avant de le donner à boire. 

Comment est-ce qu'on se lance ?

La clé de la réussite de cette transition au travail est l'anticipation.

Si vous savez que vous reprenez le travail un 1er septembre, n'attendez pas le 31 Août au soir pour vous organiser. Commencez par exemple un mois plus tôt, tranquillement, sans stress. Soit en tirant votre lait à la suite d'une tétée, soit en même temps. Si vous voyez que bébé a beaucoup bu et qu'il ne reste pas beaucoup dans vos seins, n'insistez pas. Faites une pause, buvez (tisane, jus, eau, ce qu'il vous plaira !) et reprenez le tire-lait une heure après. Ne cherchez pas la performance à tout prix, le but n'est pas de jouer les vaches à lait, commencez par de petites quantités : 20ML, 30ML, 50ML si vous y arrivez. Congelez le tout dans des sachets indépendants comme expliqué plus haut, la nounou ou la crèche pourra toujours ouvrir plusieurs sachets le moment venu.

Constituez-vous ainsi un petit "fond de roulement" qui vous permette de vous lancer : idéalement il vous faudrait l'équivalent de 3-4 jours à une semaine d'avance. La difficulté pour une maman allaitante étant de savoir combien de ML de lait prend son bébé à chaque tétée... Il existe des tableaux d'équivalence sur Internet, mais ça n'est pas une science exacte. D'où les différents sachets avec différents ML au démarrage, pour permettre à la nounou/crèche de trouver la bonne quantité. Vous pourrez ajuster par la suite. Gardez à l'esprit qu'une fois que vous serez au travail, tout le lait tiré dans la journée sera entièrement dédié au biberon de la nounou/crèche, et là les quantités seront plus importantes, ça ira tout seul. Personnellement, j'arrivais à faire un biberon par tirage de lait, parfois un peu plus.

Important : pour ne pas être prise de court, n'oubliez pas de continuer à tirer votre lait durant les weekend aussi, pour avoir de quoi démarrer le lundi.

Le tout étant toujours de trouver le bon équilibre entre "tirer suffisamment" pour les biberons de la semaine et ne pas non plus sur-stimuler la lactation. Et ça, c'est tout un art ! 

Tirer son lait au travail, concrètement on fait comment ?

Tout d'abord, sachez que tirer son lait sur son lieu de travail est un droit, lui aussi inscrit dans le code du travail. Sachez même que selon l'Article L1225-32 : "Tout employeur employant plus de cent salariées peut être mis en demeure d'installer dans son établissement ou à proximité des locaux dédiés à l'allaitement."

Bon voilà, une fois qu'on a dit ça, on n'a pas réglé tous les problèmes... Car si la loi existe, la réalité est à des années lumières. A aujourd'hui, il y a peu d'entreprise qui sache vraiment quoi faire de ses mamans allaitantes. Vous n'aurez pas toujours de pièce adaptée, il faudra parfois tirer votre lait barricadée dans votre bureau (du vécu), dans une salle de réunion inoccupée (encore du vécu), sous la lumière crue des néons, avec le son d'une visio dans la salle d'à côté, parfois même dans les toilettes... Ca ne se fera pas toujours au moment où vous en aurez besoin, et les fois où justement, vous aurez la poitrine prête à exploser, vous ne pourrez malheureusement pas prendre de pause à ce moment là (coucou la montée de lait au beau milieu de la réunion de service !) .

Tout ceci pose des questions à la fois quant à l'hygiène nécessaire, mais également quant aux conditions psychologiques requises. Car vous vous en rendrez vite compte, tirer son lait ce n'est pas du tout la même chose que de donner le sein ! Bébé n'est pas là, vous ne sentirez pas sa peau contre la votre, sa chaleur, l'odeur de son petit crane, vous n'aurez pas ses petits doigts pour stimuler votre poitrine ni son regard cherchant le vôtre, votre mamelon ne sera pas stimulé de la même manière pour dire à votre cerveau d'envoyer la montée de lait...
Alors si en plus, il vous faut caler ce moment entre deux réunions, dans une salle inappropriée, et avec la crainte d'être sans cesse interrompue, vous verrez que l'exercice devient vite contre-productif...

Tout ça pour dire que ce ne sera pas facile tous les jours, mais rien n'est impossible. La lactation et les besoins de bébé évoluent à mesure qu'il grandit. Il y aura un moment où il n'aura plus besoin de lait que les soirs et matins et ce sera suffisant pour vous deux. Nous ne sommes pas toutes égales au sujet de la lactation, peut-être que de votre côté l'allaitement pourra se prolonger grace à ces rendez-vous du matin et soir, et grâce aux weekends ? Vous pourrez peut-être même vous passer de tirer votre lait au bureau sans que cela n'impacte votre production de lait. Je vous le souhaite ! 

De mon côté, la contrainte a été telle que nous avons fini par arrêter l'allaitement après un mois à tirer mon lait au travail dans des conditions loin d'être idéales. Ma lactation avait significativement baissée et finalement, bébé et moi étions tous deux prêts pour autre chose. 

A toutes les mamans ou futures mamans allaitantes, je vous souhaite une belle aventure lactée !

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*sauf si fortes chaleurs bien sûr