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Récit d'une naissance épique

Avant de démarrer, je voudrais préciser que j’ai voulu raconter ici le récit de mon accouchement tel que je l’ai ressenti, sans édulcorer et sans chercher à cacher quoi que ce soit. Il y a, selon moi, trop de tabous, à plus forte raison autour de l’accouchement physiologique, et ces non-dits ont fait que je me suis retrouvée à paniquer totalement le jour J.
J’aurais aimer être mieux informée de ce qui se passe réellement dans notre corps ce jour là, mais ces choses-là ne sont jamais enseignées en cours de préparation à l’accouchement. Comme si de toute façon la seule voie possible était celle de la péridurale, donc à quoi bon préparer à une autre alternative ?

Si vous ne souhaitez pas savoir ou préférez voir par vous même sans vous faire influencer par mon expérience (ce que je pourrais tout à fait comprendre), alors mieux vaut vous arrêter là. ;-)

Vous voilà prévenus, on peut y aller !

——

 

Il est 1h30 dans la nuit de jeudi 5 à vendredi 6 Août. Réveillée par une Nième contraction un peu plus douloureuse que les autres, quitte à ne pas dormir, je décide cette fois-ci de me lever et de prendre un Spasfon pour voir si ça passe.

Je ne me stresse pas trop, après tout, bébé est supposé arriver le 19 Aout, on a encore le temps. Il serait normal que mon corps commence à travailler tout doucement sans pour autant que ce soit signe d'un accouchement imminent. De plus, ma gynéco m'a examinée il y a 3 jours et mon col était encore très en retrait. A vrai dire, elle m'a même parlé de déclenchement...

Pourtant, un petit quelque chose en moi cette nuit-là me murmure de rester attentive.

J'avais commencé à contracter de manière un peu plus régulière dans l'après-midi, et toujours plus durant la soirée, au rythme de bien 1 contraction toutes les 5 minutes... mais toujours des Braxton Hicks, les fameuses "fausses contractions".
Impossible de me souvenir avec exactitude de ce que sont les "vraies" contractions (c'est vrai qu'on oublie !), mais je me rappelle que pour mon 1er lionceau j'avais clairement fait la différence lorsqu’elles étaient arrivées. Je décide donc de me faire confiance et de laisser à mon corps le temps qu'il veut pour entamer le travail.

Au bout d'une heure sans effet des médicaments, je décide d'appeler la maternité pour avoir leur avis. Il est pas loin de 3h, on me conseille un bain chaud et de venir me faire examiner si malgré ça les contractions continuent au rythme régulier de toutes les 5-6 minutes, "juste pour jeter un œil, au moins vous serez rassurée !"

Voyant que je ne reviens pas me coucher mon mari me rejoint dans la salle de bain. Les contractions se précisent : elles s'intensifient et deviennent plus douloureuses. Quand sonnent 4h, nous décidons donc de nous mettre en route avec tous nos bagages. Au pire, si c'est une fausse alerte, les valises seront au moins déjà prêtes dans la voiture pour le jour J. 

Avant de partir, nous rédigeons un petit mot pour notre ainé. Sa grand-mère est venue vivre chez nous depuis 2 jours, il sait qu'il y a un risque de ne pas nous trouver à son réveil un matin et que c'est elle qui pourra l'emmèner à l'école (car oui, en Allemagne le Kindergarten est encore ouvert jusqu’à début Août).


Sur le parking de la maternité, un brin excités par l'aventure qui nous attend, nous immortalisons le moment avec le sourire, comme avec notre ainé. Avec les douleurs ressenties, je reste persuadée que le travail a bien commencé et qu'on va m'annoncer un joli "3 cm" de dilatation, ou quelque chose de ce goût là.
Pas de chance, la sage-femme qui m'examine peine à trouver mon col tant il est encore en retrait. Pour elle le travail n'a même pas encore démarré et elle hésite à nous renvoyer chez nous. Voyant ma mine déconfite elle nous propose tout de même un monitoring pour mesurer ces "fameuses contractions" auxquelles elle n'a pas l'air de beaucoup croire, ou du moins qu'elle minimise.

Au bout de 30 min elle revient nous dire qu'effectivement ce sont de "belles contractions", bien régulières et bien fortes. Elle décide de nous garder.


Elle me propose de me réexaminer pour voir si ça a eu un effet sur le col, mais, hélas, celui-ci reste toujours introuvable... Je lui fait part de mon incompréhension (tout de même, c’est étrange cette histoire de col qu'on ne trouve pas !!), elle m'explique que bébé serait "de travers" et aurait son dos contre le mien. Je suis un peu déçue, j'avais tellement imaginé que tout se déroulerait facilement et bien plus vite que pour mon premier. D'autant que je sens bien que mes contractions s'allongent en durée et augmentent peu à peu en intensité, comment c'est possible que ça n'ait aucun effet alors qu'avec le lionceau tout est allé si vite ?

>> Lire Il était un accouchement


Je lui rappelle comme à mon arrivée que j'ai déclaré le fameux "streptocoque B", celui qu'il ne faut pas avoir lorsqu'on est enceinte, et qu'il me faut donc un antibiotique rapidement pour éviter des complications pour bébé et moi. La sage-femme me répond que nous avons encore largement le temps de nous préoccuper de ça, et nous installe dans ce qui sera notre chambre pour le séjour. Elle nous apporte un gros ballon de maternité pour que je puisse faire des mouvements et accompagner bébé à changer de position et à trouver son chemin dans mon bassin. Je ne comprends pas bien pourquoi je n'ai pas droit à ma salle nature, pourtant demandée dans mon projet d'accouchement et qui, semble-t-il, est justement disponible. La sage-femme (que je trouve de plus en plus incompatible avec nous) nous répond qu'elle préfère proposer cette salle au moment où le travail a "vraiment" commencé, pour pouvoir avoir des degrés d'intervention pour soulager les mamans... Je commence à en avoir assez d'entendre que mon travail n'a pas commencé, mes contractions, elles, sont bien réelles et elles sont déjà fortes. Je n'en suis pas à mon premier accouchement, j'ai un point de comparaison pour pouvoir affirmer ça, et j'aurais aimé un peu plus de soutien. Soit, je me dis que je vais déjà tenter les différentes techniques que je connais pour me soulager par moi même et ouvrir mon bassin : Nferaido, relaxation, respiration, visualisation, changement de positions, à quatres pattes, appuyée contre le mur, aidée d'un ballon, d'une bouillote, d'un foulard rebozo... bref, toute la panoplie y passe ! Au bout d'une heure, les contractions ont clairement monté en intensité et il commence à m'être difficile de les soulager. Je me dis que cette fois, c'est sûr, mon col a du s'ouvrir. 

Il est 6h30 du matin, un peu fébrile, j'appelle ma Doula (interdite d’accès à la clinique à cause du Covid) pour lui expliquer la situation et lui demander conseil. Ses douces paroles me font du bien. Elle nous dit de réclamer notre salle nature, elle trouve ça aberrant que la sage-femme décide unilatéralement du moment, sans même nous écouter. Ragaillardis par cet appel, nous retournons donc voir la sage-femme qui constate par elle-même que je ne suis plus dans le même état qu'au départ. Elle me propose de m'examiner à nouveau. Et nous annonce qu'elle ne trouve toujours pas mon col au toucher... Cette fois je me mets carrément à pleurer de désespoir. Je veux bien endurer toutes les douleurs du monde, mais à condition que ça fasse effet. Si je souffre pour rien, alors je préfère encore qu'on me pose la péridurale car je ne tiendrai pas la distance comme ça pendant des heures et des heures. La sage-femme se permet le petit commentaire de trop : "Pour un couple qui voulait un accouchement physiologique je vous trouve plutôt stressés ! Il faut vous détendre hein !" Pour ne pas que mon mari lui saute au cou, j'essaie de couper court et lui demande l'accès à la salle nature. Elle accède à notre demande et nous dit qu'elle viendra nous préparer le bain "tout à l'heure" quand elle aura fini ses transmissions. Car il est 7h du matin, elle termine sa nuit. J’en suis soulagée, et espère secrètement que ça matchera mieux avec la prochaine sage-femme.

On s'installe, on met notre playlist zen que j’entends à peine. A ce moment là, mes contractions approchent dangereusement le seuil de douleur que j'avais expérimenté à mon premier accouchement, juste avant d’obtenir la péri. Ne voyant toujours personne arriver nous décidons de faire couler nous-même le bain. Je souffle à mon mari que j'a peur de ne pas y arriver. Il me rassure et me dit que le bain fera surement du bien si je veux me laisser encore un peu de temps de réflexion avant d'opter pour une anesthésie que je regretterais. Ok, je suis d'accord, essayons ce fameux bain que je n'avais jamais pu avoir lors de mon premier accouchement, et voyons si ça soulage si bien. Je me déshabille et entre dans la baignoire en attendant que l'équipe nous rejoigne. La nouvelle sage-femme a l'air très douce et très zen, elle se présente, Doriane, elle va m'accompagner à partir de maintenant. Je lui souris et accuse une nouvelle contraction très intense. Un peu paniquée, j'explique à Doriane qu’il est possible que je demande finalement la péridurale. Elle me répond comme mon mari "attendez peut-être déjà de voir si le bain vous aide. Je vais vous poser en même temps le cathéter pour pouvoir vous mettre votre perfusion d'antibiotique." OK, soit, chaque chose en son temps, tout le monde a l'air convaincu que je vais gérer, alors j'accepte de m'allonger dans la baignoire.

La chaleur me délasse et m'offre un répit de quelques minutes sans contractions. Mais soudain, quelque chose change et elles reprennent plus fortes et plus longues que jamais. C'est si intense que je ne parviens pas à m'empêcher de hurler. La vache, qu'est-ce qui se passe ?? C’est comme si des milliers de poignards me transperçaient en même temps, en prenant tout leur temps pour entrer et ressortir de ma chaire. 
Au bout de quelques contractions comme celle-là, je désespère quelque peu et craque moralement. Je leur en fait part d'ailleurs "JE VAIS MOURRIIIIIIIIIIR, AIDEZ MOIIIIIII !!!" (bel exemple de bravoure, oui). La sage femme, toujours zen, me répond calmement que tout est normal et que ça va aller. Pas le temps de tergiverser, une nouvelle contraction arrive, monte en puissance, et emporte tout ce qu'il me reste de raison et de self control. Au paroxysme de la douleur, je sens quelque chose se briser en moi. Littéralement. Ça fait un gros "CRAC". C’est la poche des eaux qui vient de rompre. Complètement paniquée par ce qui m’arrive je demande à avoir très vite la péridurale. La chaleur du bain me semble tout d’un coup insupportable, je dois sortir, vite. Je suis figée dans mon action par une nouvelle contraction, encore plus forte que la précédente. Je manque de tourner de l’œil. Vite je sors du bain. 
La sage femme demande à m’examiner, je lui réponds « Non non, mettez-moi d’abord la péridurale et ensuite on aura tout le temps pour ça !! ». 
Là dessus, une nouvelle contraction qui dépasse toujours la précédente en intensité, s’abat sur moi. Mon mari me tient, je n’arrive même plus à crier, je ne peux plus respirer. Quelque chose semble se briser à nouveau en moi, c’est comme si tout mon corps lâchait, je ne maîtrise plus rien : je sens que je perds à nouveau du liquide et je devine que ce liquide est un mélange de liquide amniotique, d’urines et sans doute aussi de selles puisqu’au même moment je ressens un besoin irrépressible de pousser.

Je suis en panique totale, je ne comprends pas bien ce qui m’arrive. Il y a moins de 30 min on m’a dit que mon col était introuvable et maintenant ça. Qu’est ce que ça veut dire ? Je ne sais plus ce que je dois faire, où me mettre, dans quelle position pour me soulager. La sage femme me dit à nouveau qu’il faut qu’elle m’examine. Je consens à  m’allonger sur le lit de la salle nature et en 3 secondes elle me répond « C’est bien ce que je pensais, la tête est là. On n’a plus le temps pour une péridurale, c’est ici et maintenant ». A cet instant, en même temps qu’une vague de panique, une nouvelle contraction arrive, et avec elle l’envie de pousser. A nouveau tout mon corps lâche et ces liquides inconnus s’échappent de moi. La douleur en position couchée est juste insupportable, je ne comprends même pas qu’on continue à faire accoucher les femmes ainsi en « position gynécologique ». 

Je me souviens avoir réellement pensé à ce moment là que j’allais mourir. Et ce n’est pas juste une expression, c’était un vrai sentiment de désespoir et de renoncement.

Mon mari m’encourage à tenir bon, j’y suis presque. « Souviens toi de ce qu’a dit la Doula, si tu en es là c’est que ton bébé est sur le point de venir ». Je m’accroche à sa voix. La sage femme m’invite à changer de position, sans me dire pour autant celle que je dois prendre, me laissant gérer par moi même selon ce que je ressens. Emportée par une nouvelle contraction, je descends soudain du lit, pour me mettre à genoux et pouvoir m’accrocher quelque part. Je sens que mon mari en fait de même pour pouvoir être a mes côtés et me tenir. Je commence à pousser en hurlant comme jamais je n’ai hurlé. Je sens la tête de mon fils qui commence à passer et là encore cette sensation inconnue me surprend et je m’arrête dans mon élan. La tête rentre à nouveau. Je ne sais plus bien si je dois pousser encore ou si mon corps va faire le travail de l’expulsion tout seul (étant donné qu’il semble faire sa propre vie sans que je ne maîtrise plus rien). Doriane me dit qu’à la prochaine contraction il faut pousser plus fort. Je m’exécute, et même lorsque la contraction se termine, je continue à pousser de toutes mes forces. Tant pis pour la déchirure potentielle, il faut en finir ! 
A un moment je sens que la tête passe complètement, d’un coup. Instantanément, la douleur semble être divisée par 10000. Je reviens à la vie. Je sens le besoin de pousser encore. Doriane me dit que ça va aller vite, elle me dit d’attraper mon bébé. Une mini poussée et en effet, je sens mon fils glisser tout seul. Je l’attrape fermement et le pose immédiatement sur le lit, juste devant moi, le cordon ombilical toujours entre nous. Avec mon mari, complètement abasourdis, nous découvrons le visage de notre fils, d’abord bleuté et inerte, prendre vie et se colorer devant nous. Cet instant est magique et nous sidère complètement. Je suis soulagée de n’avoir plus mal, je suis heureuse de découvrir mon fils, lui parle et le cajole pour le rassurer dans ses premiers instants de vie. Mon mari pleure à côté de moi. 

On m’installe dans le lit et je ne quitte plus mon bébé des yeux. Il faut encore expulser le placenta et, comme je m’en doutais, il faudra recoudre… mais peu importe. Je tremble de tous mes membres. Il vient de se passer l’expérience la plus intense de toute ma vie. Il me faudra bien des heures, des jours pour m’en remettre. Mais le bonheur surplombe tout ça. Mon bébé est là, et la magie a opéré au premier regard. Je l’aime de manière incommensurable. Il est donc possible d’avoir autant d’amour pour deux enfants en même temps…

 

J'ai choisi de laisser cette photo de moi, même si elle est peu flatteuse, parce que je trouve que mon regard en dit long sur ce que je viens de traverser.
Par ailleurs, je n'aime pas non plus mettre des photos de mes fils sur Internet, mais celle-ci est tellement éloignée de ce à quoi il ressemble aujourd'hui que j'estime qu'il y a peu de risques que cela lui desserve un jour.

 

J’avais rêvé d’un accouchement comme celui-ci sur le papier, j’étais loin d’imaginer tout ce que ça allait impliquer comme sensations et comme ressources à puiser au plus profond de moi. Je suis heureuse de cette expérience qui m’aura montrée de quoi je suis capable dans mes derniers retranchements. Mais pour être honnête avec toi lecteur, si je devais avoir un troisième enfant (ce qui n'arrivera pas), je choisirais malgré tout la péridurale...

 

 

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